Marilyn Monroe pour toujours

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SIERRA LEONE

Marilyn pour toujours

 

La Sierra Leone est une ancienne colonie anglaise fondée à la fin du XVIIIe siècle pour accueillir les Noirs libérés de l’esclavage. Elle a accédé à l’indépendance le 27 avril 1961 et elle est membre du Commonwealth. Elle s’étend sur une superficie de 71 740 kilomètres carrés, dans le golfe de Guinée, en Afrique occidentale, et elle est délimitée par la Guinée au nord et au nord-est, par le Liberia au sud-est. Depuis sa fondation, l’histoire de la Sierra Leone a été heurtée, opposant les différentes composantes ethniques et sociales du pays. Son évolution contemporaine s’est inscrite sur fond de grave crise économique et d’instabilité politique. En outre, les maigres ressources de l’État doivent être consacrées à la lutte contre les dissidences internes et les rebelles de Charles Taylor qui occupent depuis 1981 la région diamantifère du pays.

 

1. Le cadre géographique naturel

 

Située entre le 7e et le 10e degré de latitude nord, la Sierra Leone connaît un climat qui est tropical humide avec un rythme annuel de deux saisons, pluvieuse et sèche, mais qui, en raison de l’abondance des précipitations, est plutôt de type équatorial. La succession d’une saison de pluies abondantes et d’une saison sèche favorise la formation de latérite et une intense érosion sur les pentes déboisées. Ce déboisement est le résultat de la surexploitation de la forêt dense qui occupait autrefois de grandes étendues sur le littoral et les bas plateaux et qui ne subsiste que par îlots, principalement dans les régions orientales. Aujourd’hui, des forêts dégradées couvrent la majeure partie du territoire. La Sierra Leone est constituée par un ensemble de plateaux et de massifs intérieurs d’âge primaire qu’une zone de collines relie à de basses plaines côtières coupées de marécages. Les altitudes s’élèvent en moyenne à 300 mètres à l’ouest pour culminer à 500 mètres à l’est. Les monts Loma (1 948 m), les monts Sula (1 850 m) et les monts Kangari sont les massifs les plus élevés et se trouvent au nord-est. Ces reliefs font partie du vieux socle africain plus ou moins relevé à l’ère tertiaire et formés de roches richement minéralisées: fer à haute teneur dans les monts Sula et dans la région de Port Loko et de Lunsar; bauxite dans les collines de Mokanji; on trouve aussi des minerais rares comme le rutile, la colombite, etc. Les schistes de Kambui, dans le sud-est du pays, recèlent des gisements de diamant. Malgré leur insalubrité, les plaines côtières, tapissées de sédiments, constituent le domaine agricole par excellence.

 

2. Le peuplement et sa répartition

 

En 1462, lorsque le premier navigateur portugais Pedro da Cinta débarqua avec ses compagnons sur la côte de Sierra Leone, il donna le nom de «montagne du Lion» à la presqu’île montagneuse sur laquelle sera bâtie plus tard Freetown, capitale du pays. Par la suite, l’appellation de Sierra Leone sera étendue à l’ensemble du territoire. On peut distinguer trois couches de peuplement successives: d’abord les populations autochtones (Bouloum, Krim, Loko, Sherbro, Sulima) qui ont été refoulées par les envahisseurs soudanais sur les îles et les régions forestières; puis les populations soudanaises, guerrières (Mendé, Soussou, Temné), dont l’installation est contemporaine de l’arrivée des Portugais dans le golfe de Guinée; et, enfin, les Libanais et surtout les créoles ou krio. Avec un taux de croissance de 2,3 p. 100 par an, la population est estimée en 1992 à 4,26 millions d’habitants où dominent numériquement les Mendé et les Temné, alors que les créoles ont une influence politique sans commune mesure avec leur nombre. Les musulmans forment 60 p. 100 de la population, les chrétiens 30 p. 100 et les animistes 10 p. 100. Cette population est aussi inégalement répartie. Dans la Northern Province vivent les Temné et les Limba, la Southern Province est peuplée de Mendé. Un bon tiers de la population vit dans les villes: Bo, Kenema, Makeni, Koidu, dans la région diamantifère de Kono, et Freetown, à majorité créole. Si l’anglais est la langue officielle, le krio, un créole truffé d’anglais, sert de langue véhiculaire dans la capitale, alors que le mendé et le temné parlés par 70 p. 100 de la population sont des linguae francae.

 

3. Conquête et traite négrière

 

Avant l’arrivée des Portugais, les Temné édifièrent un royaume qui résista aux attaques mendé. Leurs rois avaient soumis nombre de chefs locaux, tenus de leur payer tribut en or et en ivoire, et s’adonnaient au commerce des esclaves. Parallèlement à la conquête temné, les Portugais implantent des établissements commerciaux sur la côte. Car, du XVIe au XVIIIe siècle, le vaste estuaire du Rokel de la rivière Seli est fréquenté avec assiduité par les trafiquants d’esclaves européens qui seront en permanence en conflit avec les autres négriers mouillant dans le golfe de Guinée. C’est dès le milieu du XVIe siècle que les Anglais commencent à prêter intérêt à la Sierra Leone. En 1592, la reine Élisabeth Ire délivre des patentes à des négociants anglais pour commercer le long du golfe de Guinée, du río Nunez à la Sierra Leone. Ensuite, Jacques Ier concède une charte exclusive de commerce «guinéen» à la Company of Royal Adventurers of London Trading to Africa. En outre, en 1662, Charles II délivre une nouvelle franchise à cette dernière dont la faillite entraînera la création d’une nouvelle compagnie en 1672, la Royal African Company. Celle-ci reçoit le privilège de fournir annuellement trois mille nègres aux Indes occidentales britanniques (Antilles). Mais, en 1697, le gouvernement britannique abolit ce privilège, ce qui libéralise entièrement le commerce «guinéen» et entraîne une aggravation des horreurs de la traite liée à la concurrence entre trafiquants et aux rivalités entre fournisseurs.

 

4. La lutte contre l’esclavage

 

À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, des mouvements philanthropiques s’indignèrent en Angleterre et en Amérique de la traite négrière et de l’esclavage; ce qui conduisit à leur interdiction et à la création de la Sierra Leone en colonie pour servir de terre d’accueil aux esclaves noirs libérés. En Angleterre, le mouvement philanthropique s’est développé autour de personnalités comme Granville Sharp, qui ont mobilisé l’opinion contre le fléau de l’esclavage. En 1772, le ministre de la Justice de la Couronne proclame que sera libre tout esclave réfugié en Angleterre. La conséquence immédiate de cette mesure a été que de nombreux esclaves ont fui les plantations des colonies anglaises d’Amérique pour aller s’établir en Grande-Bretagne. Au lendemain de la guerre d’indépendance américaine où les Anglais ont été défaits en 1783, un grand nombre d’esclaves qui avaient combattu pour Londres se réfugièrent en Angleterre. Pour ces esclaves pauvres, dépourvus de ressources, Granville Sharp et les mouvements philanthropiques imaginèrent la création d’une terre d’accueil sur leur continent d’origine et constituèrent la Compagnie de Saint George chargée d’organiser leur retour. C’est dans ce contexte que débarqua le 9 mai 1787 en Sierra Leone une colonie de trois cent cinquante esclaves affranchis et une soixantaine de prostituées blanches destinées à leur servir d’épouses. Mais la fièvre décima une grande partie de ces colons installés près de Kru Bay, dans la presqu’île de Freetown. Le Parlement britannique décida alors d’aider l’entreprise en fondant en 1791 la Sierra Leone Company pour succéder dans cette tâche à la Compagnie de Saint George. En février 1792, elle débarqua à Kru Bay plus d’un millier d’esclaves affranchis, venus pour la plupart de Nouvelle-Écosse via la Grande-Bretagne. En accord avec le roi temné Naimbanna, la Compagnie de Saint George fonda en 1792 Freetown dont la population s’accroîtra rapidement à partir de 1800 avec l’arrivée d’autres «nègres marrons», venus de Jamaïque. Cette croissance démographique connaîtra un essor plus important encore à partir de 1815 quand la marine de guerre britannique se lancera, dans le golfe de Guinée, à la poursuite des navires négriers et procédera à la saisie des cargaisons de captifs qui seront libérés et conduits à Freetown. Ces nouveaux arrivants, natifs pour la plupart du golfe du Bénin, spécialement du Nigeria, vont être installés dans des villages édifiés près de Freetown et former à la fois la majeure partie de la main-d’œuvre agricole de la colonie et la majorité de la population de Freetown. Une grande diversité de langues caractérise cette population dont le facteur unificateur reste le krio. À partir de 1875, la Sierra Leone voit délimiter ses frontières avec la Guinée-Conakry et le Liberia. En 1896, le protectorat britannique est proclamé sur l’intérieur du pays. Mais la division en colonie et protectorat sera pendant longtemps un handicap pour l’unité nationale, d’autant que les créoles de la colonie jouissent des droits de sujets britanniques et que les populations de l’intérieur sont marginalisées. Il faudra quatre constitutions à partir de 1951 pour promouvoir une entente entre les deux communautés et arriver à la proclamation de l’indépendance le 27 avril 1961.

 

5. La montée des périls

 

Lors des premières élections générales en 1962, sir Milton Margai, leader du Sierra Leone People’s Party (S.L.P.P.), parvient à s’imposer aux créoles de la colonie en tant que chef du gouvernement et tente de réaliser l’unité nationale. Après sa mort, en 1964, son frère Albert devient Premier ministre et instaure un régime autoritaire. Siaka P. Stevens, qui était un membre important de ce parti (il avait même reçu le ministère des Mines et du Travail), démissionne en 1957 et crée trois ans plus tard son propre parti, l’All People’s Congress (A.P.C.), avec lequel il remporte les élections générales de mars 1967. Il s’ensuit pendant deux ans une crise ouverte, marquée par une série de coups d’État militaires sur fond de luttes interethniques, de grèves, de népotisme et de corruption. Siaka Stevens est arrêté par le chef d’état-major, le général David Lansana, mais réussit à se réfugier en Guinée. Un nouveau putsch conduit par de jeunes officiers lui restitue le pouvoir en avril 1968. Dès 1969, Stevens voulut redresser une économie en déconfiture par une politique d’austérité et de rigueur financière, mais il échoua très vite, incapable d’élargir la base régionale de son pouvoir qui reposait sur les Temné au nord et le sentiment répandu que le S.L.P.P. favorisait les Mendé du Sud. Se croyant sans cesse menacé, Stevens allait recourir à des méthodes de plus en plus autoritaires, allant à l’encontre des principes démocratiques dont il se réclamait, sans toutefois oser les récuser ouvertement. L’imposition de l’austérité en 1969 à des fins budgétaires entraîna chômage, mécontentement social, montée du banditisme, de la fraude et du trafic du diamant. Après avoir libéré en février 1969 des prisonniers politiques pour apaiser les tensions, le nouveau pouvoir s’empressa d’emprisonner en juillet des partisans du S.L.P.P. Alors que se détériorait le climat social, les responsables des quatre différents coups d’État de 1967-1968 furent traduits en justice en 1970 et condamnés à mort. Mais la Cour suprême cassa les jugements et les accusés furent libérés en novembre 1971, après sept mois d’internement arbitraire, fait révélateur d’un régime ayant basculé dans l’autoritarisme.

 

6. Stevens et la persistance des périls

 

En mars 1971, le chef de l’armée, le général Bangura, tente un coup d’État infructueux et dans le même temps Stevens est la cible de deux attentats. Il ne peut rétablir l’ordre qu’avec le concours des troupes guinéennes. Pour consolider son pouvoir, il prend alors ses distances d’avec le modèle constitutionnel, où le souverain britannique était chef de l’État, en érigeant en avril de la même année la Sierra Leone en république dont il devient le président exécutif avec un mandat quinquennal. Lors des élections de 1973 et de 1977, boycottées par le S.L.P.P. empêché de présenter des candidats, l’A.P.C. rafle les quatre-vingt-quatre des quatre-vingt-cinq sièges, instituant un monopartisme de fait. À l’élection présidentielle de 1976, en dépit des complots, Stevens, seul candidat en lice, est élu pour un nouveau mandat. Au début de 1977, des étudiants organisent de violentes manifestations antigouvernementales, et des élections anticipées permettent au S.L.P.P. de remporter quinze sièges au Parlement dans une atmosphère mouvementée. Dans l’idée de lutter contre le tribalisme et le factionnalisme, Stevens annonce en juin 1978 l’institutionnalisation du monopartisme qu’entérine la nouvelle Constitution. L’opposition est contrainte d’entrer dans ce système où persiste le tribalisme, d’autant qu’est admise la possibilité d’une pluralité de candidatures indépendantes aux élections de 1982. Mais le flambeau de la contestation directe est reprise par les forces syndicales au côté desquelles on trouve une presse d’opposition qui, malgré les tentatives de bâillonnement, ne cesse de dénoncer la corruption et l’incompétence des dirigeants. La tension sociale atteint son paroxysme pendant l’été de 1981 après que la centrale syndicale, le Congrès du travail, eut adressé au gouvernement un mémorandum sur la situation économique catastrophique du pays.

Les premières élections monopartisanes du 1er mai 1982 sont marquées par une violente campagne qui fait une cinquantaine de morts, mettant ainsi en échec la stabilité politique et la paix sociale recherchées. Après la répression, le pouvoir est amené à faire des concessions afin de rétablir son image de marque en contrôlant et en abaissant les prix des produits de première nécessité, et il instaure un début de lutte effective contre la corruption qui s’est généralisée. Ainsi Stevens a-t-il réussi à se maintenir longtemps au pouvoir en agissant comme un despote oriental bienfaiteur, apparaissant de temps en temps parmi ses sujets pour distribuer des faveurs et redresser les torts. Au plus fort de la dégradation de l’économie et de l’éthique publique, le président continuait de jouir d’une certaine popularité. Mais cette pratique du pouvoir ne se préoccupe guère de la question de l’efficience de l’État et ne cherche pas à résoudre les causes d’une instabilité sociale persistante. C’est donc dans un climat d’incertitudes économiques et politiques que commence à se poser dès le début des années 1980 la question de la succession de Stevens dont l’usure du pouvoir et l’âge avancé (il est né en 1905) alimentent les rumeurs jusqu’au transfert officiel du pouvoir présidentiel au commandant de l’armée de terre, le général Joseph Saidu Momoh, le 28 novembre 1985.

 

7. Un héritage lourd à gérer

 

Dix-sept ans de pouvoir Stevens ont légué à son successeur un pays dans un état de délabrement économique avancé et dans une situation paradoxale.

Une situation économique dramatique

Lorsque Stevens prend le pouvoir en 1968, le budget et la balance des paiements sont constamment excédentaires et la monnaie nationale, le leone, indexée sur la livre sterling. Signe révélateur de la crise économique: en novembre 1978, le leone est dévalué et décroché de la livre. Durant les trois années qui suivront, le pays commence à accumuler des déficits de paiements considérables liés au poids de la dette extérieure provoquant une pénurie de devises, une chute du taux de change, un marché noir florissant et une inflation galopante qui atteint 80 p. 100 en 1985, réduisant à néant la valeur de la monnaie. À partir de décembre 1982, le leone est lié au dollar après une seconde dévaluation: si en 1983 il faut 1,7 leone pour 1 dollar, en 1988 il en faudra 31,2 et en 1992 499,4 pour la même somme! Par ailleurs, le P.N.B., qui s’est accru de 3,7 p. 100 entre 1965 et 1973, n’augmente que de 1,8 p. 100 entre 1973 et 1984, tandis que le déficit budgétaire s’est durablement installé; il atteint 48 millions de dollars en 1987 et dépasse depuis lors des sommes plus importantes à l’instar de la dette extérieure qui est passée de 859 millions de dollars en 1986 à 1 291 millions en 1991. Les augmentations successives du prix du pétrole en 1973 et en 1979 qui ont lourdement affecté les capacités productives du pays ne suffisent pas à expliquer cette détérioration qui se rencontre à tous les niveaux de l’économie. C’est que la Sierra Leone a beaucoup misé pour son développement sur son secteur minier (diamant, rutile, bauxite et or) qui alimente plus de 80 p. 100 de ses exportations officielles en 1989 et dont le diamant représente les deux tiers. Le pays est traditionnellement un grand exportateur de diamant. Afin d’assurer son monopole sur sa production, l’État a créé la National Diamond Mining Company (N.D.M.C.) qui exploite les gisements de la Eastern Province (notamment Bo et Kenema) tout en accordant des concessions à quelques particuliers. Cette production est théoriquement commercialisée par la Diamond Corporation West Africa Ltd. (Dicorwaf), une filiale de De Beers. Jusqu’en 1984, l’État détenait 51 p. 100 du capital de la N.D.M.C., et les 49 p. 100 restants appartenaient au Sierra Leone Selection Trust (S.L.S.T.), lui-même propriété en 1980 de la British Petroleum qui y cédera ses intérêts à la Precious Minerals Marketing Company (P.M.M.C.) en 1984. En réalité, le pouvoir sierra-léonais n’a jamais pu exercer son monopole sur le secteur vital du diamant qui fait l’objet d’une vaste contrebande impliquant le chef de l’État, son entourage et une forte minorité de Libanais. Au nombre de vingt-cinq mille âmes, dont la moitié est chiite et influencée par l’Iran, les Libanais pratiquent le commerce de détail ainsi que celui de l’or et du diamant dont ils écoulent clandestinement 80 p. 100 de la production en compagnie de petits trafiquants locaux ou étrangers. La P.M.M.C. contrôle ce commerce interlope qui a enrichi de façon scandaleuse ses principaux dirigeants. La Sierra Leone est devenue un carrefour de la contrebande internationale du diamant. Quelques chiffres significatifs: en 1987, la production totale est de 314 000 carats (elle tombera même à 141 800 carats l’année suivante), alors qu’elle atteignait 600 000 carats dans les années 1980! Si les autres secteurs miniers ont suscité beaucoup d’espoir, leurs résultats sont tout aussi décevants. Le minerai de fer constituait dans les années 1970 la deuxième exportation minière du pays. La Sierra Leone Development Company qui l’exploitait a fermé ses portes en 1975. La Marampa Iron Ore Mining Company qui a pris sa succession en 1983 ne connaîtra pas un sort meilleur; il en va de même de la bauxite des Mokanji Hills dans la Southern Province exploitée par la Sierra Leone Ore and Mineral Company, propriété d’Alusuisse depuis 1963; le développement de sa production a conduit à implanter une usine d’aluminium près des nouveaux sites d’extraction de Port Loko dans le nord du pays. Grâce à un investissement de 5 millions de dollars, la production a atteint 1,5 million de tonnes en 1989-1990 pour tomber à 1,3 million de tonnes en 1991. On peut en dire autant du rutile et de l’or dont l’exploitation est entre les mains d’une société saoudienne, la Bin Rafaah, et qui fait aussi l’objet de contrebande, si bien que la production de 13 000 onces en 1987 est descendue à 800 en 1988. Les industries de transformation, moins développées, qui traitent essentiellement les produits de base locaux (conserverie, huilerie, distillerie, brasserie, minoterie, cimenterie), sont concentrées dans la région de Freetown et trouvent la limite de leur expansion dans l’étroitesse du marché intérieur et la faiblesse du pouvoir d’achat. Elles emploient 12 p. 100 de la population active et fournissaient seulement 6 p. 100 du P.N.B. en 1990. La faiblesse de l’infrastructure de communications constitue aussi un gros handicap. La Sierra Leone compte 7 900 kilomètres de routes et de pistes dont seulement 2 000 de chaussées revêtues. Les liaisons routières avec la Guinée sont à peu près correctes, mais plutôt difficiles avec le Liberia. Les trois lignes de chemin de fer, totalisant 600 kilomètres, desservent principalement les zones minières. En 1974, les trains de voyageurs ont dû cesser toute activité. Si Freetown possède le seul aéroport international du pays et l’un des meilleurs ports naturels du continent africain, en revanche, une forte barre rend difficile l’accès aux autres sites du littoral.

Une situation économique paradoxale

Les richesses naturelles dont la Sierra Leone est dotée ne lui ont pas permis de relever le défi économique, et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces richesses sont devenues des handicaps sur la voie du développement. Cela est dû aux choix de politique économique et à une gestion clientéliste et patrimoniale qui ont conduit à la stagnation et à la paupérisation générales. La place prépondérante accordée au secteur minier, et notamment à la production diamantaire, a bridé le développement du pays au moins à trois niveaux: d’abord, l’engouement pour les énormes profits que procurent les diamants a favorisé le développement des activités illégales et criminelles avec une violence récurrente qui s’est étendue à d’autres pratiques sociales; puis, les diamants ont permis à quelques trafiquants d’accumuler illégalement d’immenses fortunes et de consolider ainsi leur position politique dans le système de patronage et de clientélisme de Stevens ; enfin, c’est surtout l’agriculture qui a pâti de la ruée vers le diamant. Depuis la découverte de ce dernier dans les années 1950, le pays est devenu un gros importateur de riz, et la sécurité alimentaire toujours annoncée est un objectif jamais atteint, malgré des conditions naturelles pourtant favorables. Le bas prix payé aux producteurs locaux et le monopole (aujourd’hui supprimé) du Sierra Leone Produce Marketing Board (S.L.P.M.B.) dans la régulation du marché agricole n’ont pas été très incitatifs pour les paysans. Malgré de nombreux projets de développement rural lancés avec l’aide de la Banque mondiale, la Sierra Leone doit encore importer 60 p. 100 de ses besoins en riz, et des prévisions optimistes estiment que la production nationale chutera chaque année de 7,4 p. 100 par rapport à son niveau de 1987 qui était de 525 000 tonnes. Les plaines littorales, les vallées inférieures des fleuves et les régions intérieures qui se partagent entre les cultures vivrières (riz, mil, manioc, ignames, arachides, etc.) et les cultures d’exportation (tabac, cacao, café, palmier à huile, kola, gingembre, bananes, agrumes, etc.) n’ont guère été en mesure de produire plus pour couvrir l’ensemble des besoins. Le S.L.P.M.B., chargé de la commercialisation des cultures d’exportation, comprend deux filiales spécialisées: la Sierra Leone Agricultural Produce Company, affectée au développement du café et du cacao, et la National Produce Company, qui a en charge la promotion du gingembre et des noix de palme. Les difficultés de gestion et les crises financières de ces organismes, dues aux trop grandes ambitions de leurs programmes d’investissements et aussi à l’inévitable marché parallèle, n’ont pas permis une amélioration significative du revenu des agriculteurs, et ont même provoqué un sentiment de lassitude qui se traduit par l’abandon de certains terroirs et la stagnation de la production. L’exode rural vers les champs diamantifères a complètement déstructuré l’agriculture (surtout vivrière), secteur fondamental de l’économie qui occupait 80 p. 100 de la population auparavant et qui n’emploie plus actuellement que 65 p. 100 de la population active sans pour autant que sa part dans la formation du P.N.B. augmente. Et les rares devises disponibles servent à l’achat de vivres importés, destinés à nourrir une population en pleine croissance démographique. Selon la F.A.O., la situation alimentaire du pays a atteint un seuil si critique en 1992 que l’importation d’urgence de 248 000 tonnes de céréales était nécessaire. L’État est incapable d’assurer les conditions élémentaires du développement de la Sierra Leone qui fait partie des pays les moins développés au monde, occupant, selon le Rapport sur le développement humain du P.N.U.D. (1992), la cent cinquante neuvième place sur cent soixante, avec 80 p. 100 d’analphabètes. Ce bilan négatif que lègue Stevens peut difficilement être contrebalancé par les succès de sa diplomatie. La Sierra Leone fait partie de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et de la Mano River Union avec le Liberia et la Guinée, pays avec lequel il a signé un pacte de défense. Stevens entretient de bonnes relations avec l’Allemagne qui est son premier bailleur de fonds bilatéral, et il a effectué une visite officielle en France en 1979.

 

8. Les successeurs face au bilan Stevens

 

En novembre 1985, le général Momoh héritait d’un lourd passif. Il est probable que c’est pour ne pas avoir à le gérer que Stevens quitta délibérément le pouvoir. En 1981, il avait entamé des pourparlers avec le F.M.I., mais il a dû renoncer à l’aide de celui-ci, craignant que ses conditions drastiques n’entraînent la perte de sa popularité et ne provoquent des émeutes urbaines. Au début de 1985, le F.M.I. suspendait ses crédits stand-by, et Momoh, en accédant au pouvoir, se trouve confronté à une alternative douloureuse: se soumettre au plan d’ajustement structurel du F.M.I. ou être placé sur sa liste noire. Le poids de l’héritage à gérer permet de mieux comprendre les espoirs que l’avènement du nouveau président a suscités auprès de nombreux Sierra-Léonais. Militaire de haut niveau, Joseph Saidu Momoh, âgé de quarante-neuf ans, tranche sur son prédécesseur, notamment par sa volonté affichée de restaurer l’économie et de rétablir la discipline au sein de la société sierra-léonaise.

Momoh et l’héritage

Imposé à la fin de juillet 1985 comme dauphin à l’appareil du parti et à ses rivaux, Momoh n’entend pas être l’ombre de son prédécesseur. Il se donne une légitimité populaire à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre 1985, où il est plébiscité par 99 p. 100 des suffrages exprimés. Il confortera sa position lors des élections législatives de mai 1986, où les électeurs avaient à exprimer leur choix entre les candidats rivaux du parti unique qui perd la moitié de ses élus (19 éminents députés dont 5 ministres ont été éliminés) à la nouvelle Chambre. Des opposants historiques notoires à Stevens comme Mohammed Bash-Taqui sont entrés au Parlement, devenant ainsi l’expression légale d’une opposition revigorée. Rapidement, il lance une «révolution verte» visant à donner la priorité à l’agriculture et engage la lutte pour la moralisation de la vie publique et la remise en ordre de l’administration en menant campagne notamment contre la violence, la corruption et la contrebande de l’or et du diamant. N’ayant d’autre choix que de se plier aux conditions du F.M.I. pour obtenir des crédits, Momoh, fort de sa majorité à l’Assemblée, introduit dans le budget de juin 1986 des mesures très dures et très impopulaires qui seront renforcées dans celui de février 1987. Leurs effets positifs ne se feront sentir qu’en milieu d’année après avoir eu des répercussions désastreuses sur la vie des couches populaires. Il se heurte cependant à l’hostilité des puissants réseaux clientélistes du système Stevens qui continuent d’influencer la vie politique. Car la nouvelle équipe gouvernementale se compose toujours des hommes de Stevens. Et, bien qu’il ne soit plus président de la République, Stevens a gardé la direction du parti unique. Si Momoh prend ses distances avec son prédécesseur, sa marge de manœuvre semble de plus en plus réduite. Le 23 mars 1987, un complot armé dirigé par des proches de Stevens est découvert et Momoh en profite pour se débarrasser de quelques caciques de l’ancien régime, resserrant les liens avec la population qui refuse l’aventure. Cette crise a été le point culminant des incessants conflits de personnes, d’ethnies et de luttes internes dans l’appareil politico-militaire tiraillé entre les pressions iraniennes via la communauté chiite locale et les services secrets israéliens. Mais Momoh joue surtout l’avenir de son pouvoir sur le front économique qui tarde à s’améliorer, mettant l’État dans l’incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis des fonctionnaires. Les populations à qui sont demandés d’énormes sacrifices ne voient pas arriver de résultats significatifs tandis que l’ordre moral et la discipline sociale, le «New Order» promis, semblent maintenant oubliés et que la corruption et la contrebande continuent de se développer, n’épargnant pas Momoh lui-même. Comme dans les autres pays africains, les Sierra-Léonais manifestent pour réclamer le multipartisme, en faveur duquel ils se prononcent par référendum en août 1991. En outre, le régime Momoh est confronté depuis la fin de mars 1991 dans le sud-est du pays aux attaques meurtrières des rebelles du Front national patriotique du Liberia (F.N.P.L.) de Charles Taylor qui y a installé ses bases arrière. Ces attaques ont poussé quelque soixante mille civils sierra-léonais à se réfugier en Guinée. Pour combattre l’avancée du F.N.P.L. sur son territoire, et aussi pour y mater la dissidence armée du Revolutionary United Front (R.U.F.) de l’ex-caporal Foday Sankoh, le président Momoh déploie sur le front, au début de septembre, une fraction de sa petite armée (3 150 hommes) soutenue par des militaires ghanéens, nigérians et guinéens dans le cadre de l’Economic Commission of West Africa Monitoring Group (Ecomog). Le 29 avril 1992, une soixantaine de soldats, conduits par le capitaine Valentine Melvin Strasser, commandant de l’Eastern Province, sont venus du front protester dans les rues de Freetown contre leurs conditions de vie, le manque d’armes, de munitions et de nourriture. Ils réclament le paiement de sept mois d’arriérés de leur solde et s’emparent de la radio nationale. Ce qui n’était au départ qu’une protestation véhémente devient rapidement un véritable coup d’État faisant une quarantaine de morts. Après la prise du palais présidentiel, Joseph Saidu Momoh doit s’enfuir en Guinée, après sept ans de pouvoir.

Quel avenir pour Strasser ?

La population sierra-léonaise a accueilli dans la liesse le coup d’État, d’autant que le régime Momoh incarnait les défauts du système Stevens. Le 3 mai 1992, le capitaine Strasser présente son «Conseil provisoire national de gouvernement» (N.P.R.C.) en mettant l’accent sur la reconstruction nationale, la nécessité de réformes économiques, et promet l’établissement d’une démocratie pluraliste dans les meilleurs délais. La composition du N.P.R.C. (13 militaires et 6 civils) frappe par l’inexpérience de la plupart de ses membres et par l’extrême jeunesse de certains d’entre eux. Le nouveau chef de l’État (27 ans) et le lieutenant Solomon Saj Musa (24 ans) qui a le rang officieux de Premier ministre sont représentatifs de cette junte militaire. Les jeunes officiers insistent sur le sens civique et le respect de l’autorité, et promettent de combattre la corruption et le trafic de devises et de diamants. Mettant en application ces principes, et non sans abus parfois, les militaires punissent les fonctionnaires retardataires et instaurent une journée dans le mois où les Sierra-Léonais sont supposés participer à des opérations collectives de nettoyage et d’assainissement. Une commission d’enquête est créée pour étudier les cas de corruption et d’enrichissement illicite qui ont eu lieu sous le régime Momoh. Pour rassurer les bailleurs de fonds, le N.P.R.C. maintient dans leurs fonctions deux ministres du gouvernement Momoh: Ahmed Dumbuya, ministre des Affaires étrangères, et Jim Funna, ministre des Finances et artisan des négociations avec le F.M.I. et la Banque mondiale. D’autant qu’avant le coup d’État une aide américaine de 50 millions de dollars était attendue. Le capitaine Strasser lui-même vivait dans un baraquement militaire. Tous ces actes, symboliques, constituent une preuve tangible des bonnes intentions de Strasser que la population a surnommé «Rédempteur». Le 29 décembre 1992, la junte militaire annonce avoir déjoué la veille une tentative de putsch et exécute vingt-six personnes. Ce putsch manqué illustre la fragilité du nouveau pouvoir, l’exécution hâtive des auteurs présumés n’étant pas non plus de nature à lui assurer les soutiens dont il a besoin. Le N.P.R.C., dès sa prise de pouvoir, s’est révélé avoir les mêmes défauts que ceux qu’il reprochait au gouvernement Momoh: la vie fastueuse que mènent Strasser (qui a troqué son baraquement contre la luxueuse résidence de Stevens et qui commence à s’enrichir) et les siens à Freetown a des retombées sur le moral des hommes de troupe dont les désertions alimentent l’ancienne dissidence du R.U.F. de Foday Sankoh et la nouvelle qui réunit les partisans de Momoh au sein du National Front for the Restoration of Democracy (Naford). Une jonction prévisible de ces deux dissidences armées basées à la frontière sud-est du pays peut constituer une menace durable pour le pouvoir Strasser qui n’a toujours pas trouvé de solution pour mettre un terme aux attaques des rebelles de Charles Taylor. Pour marcher sur la capitale, le R.U.F. et le Naford trouveront au sein de la population des bandes armées et des «enfants-soldats» démobilisés en juin 1993 sous la pression de l’U.N.I.C.E.F. En outre, l’exécution des putschistes présumés a terni l’image du N.P.R.C. à l’extérieur et auprès des bailleurs de fonds dont les critiques ne cessent de s’accroître contre le régime (la Grande-Bretagne et l’Italie ont suspendu leur aide), d’autant que les deux ministres, Jim Funna et Ahmed Dumbuya, qui donnaient une certaine crédibilité au gouvernement, ont été limogés. Les conflits internes à la junte sont vite apparus au grand jour, conduisant en juillet 1993 au limogeage de son numéro deux, le lieutenant Solomon Saj Musa, qui a dû se réfugier en Grande-Bretagne. Plus globalement, c’est la précarité de la situation économique qui constitue la plus grave menace pour le pouvoir en place. Le R.U.F., le Naford et les rebelles de Charles Taylor occupent les régions les plus riches du pays, entraînant des déplacements massifs de population et des chutes brutales dans la production minière, notamment diamantaire. La démocratie promise par Strasser fait place pour le moment à la mise en veilleuse des partis politiques, aux violations des droits de l’homme élémentaires, pratiques autoritaires qui, jusque-là, avaient été relativement épargnées aux Sierra-Léonais.

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