Marilyn Monroe pour toujours

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DOMINIQUE

Marilyn pour toujours

 

Posée dans la mer des Caraïbes, entre Cuba et Porto Rico, Hispaniola – ou Isla Española, comme l’a nommée Christophe Colomb en 1492 – est la deuxième île, par la taille, des Grandes Antilles. La république Dominicaine (48 730 km2) s’étend sur un peu moins des deux tiers de sa superficie, Haïti occupant la partie occidentale. L’histoire tourmentée d’Hispaniola (appelée ensuite Santo Domingo, puis Saint-Domingue dans l’Europe du XVIIe siècle) compte plusieurs temps forts: l’extermination des indigènes par les conquistadores ; l’importation d’esclaves africains affectés aux plantations de canne à sucre, suscitées par les colons et qui demeurent la principale richesse économique; l’émancipation de la tutelle espagnole (1844), qui laisse place à l’influence grandissante de Washington, expédiant par deux fois (en 1916-1924 et en 1965) ses marines. Santo Domingo a aussi connu l’impitoyable dictature de Rafael Trujillo (1930-1961), le Benefactor, mettant le pays en coupe réglée à son profit. Marqué par la domination de Joaquín Balaguer (vingt-deux années de pouvoir au total), le retour à la démocratie s’est accompagné d’une très inégale distribution des fruits de l’essor économique entre les sept millions de Dominicains. Signe éloquent du désenchantement: les fastueuses cérémonies commémoratives du cinquième centenaire de la découverte du Nouveau Monde se sont déroulées alors que les exclus de la croissance tentaient de gagner les côtes de Porto Rico sur des embarcations de fortune, au péril de leur vie.

1. La découverte

Hispaniola fut découverte par Colomb lors de son premier voyage. Il atteignit, sans doute, une petite île des Lucayes (les Bahamas actuelles) le 12 octobre 1492; il y séjourna, ainsi que dans les îles voisines, environ trois semaines. Ensuite, il fit voile vers le sud et toucha Cuba au mois de novembre; partant de Cuba et mettant le cap à l’est, il accosta sur une autre île, Hispaniola. Cela se passait le 5 décembre 1492. Des trois caravelles qui firent le voyage de la découverte – la Pinta, la Niña et la Santa Maria –, une seule, la Santa Maria, échoua en arrivant dans les eaux de Haïti, au lieu aujourd’hui dénommé Fort-Liberté. Ses débris servirent à construire un fort dans lequel Colomb laissa une garde de quarante hommes sous le commandement de Diego de Arana; au milieu du mois de janvier 1493, Colomb quitta l’île en direction de l’Espagne, d’où il revint dix mois plus tard, le 27 novembre, avec la première expédition colonisatrice de l’Amérique. Celle-ci se composait d’environ mille trois cents hommes, de chevaux, d’ânes, de porcs, de brebis, de chiens, et aussi de graines qui devaient être acclimatées dans le Nouveau Monde. L’arrivée de cette expédition en Hispaniola marque le début de l’établissement de l’empire espagnol d’Amérique. À son retour, Colomb ne trouva ni le fort de la Nativité, ni les Espagnols qu’il y avait laissés; le premier avait été détruit et les seconds furent tués à la suite d’une révolte des Indiens de l’île. Ces Indiens étaient des Taïnos, de la grande famille des Arawaks, établis dans les îles des Caraïbes, et aussi des Ciguayos et des Caraïbes. Quelques lieues plus loin, Colomb fonda la première ville du Nouveau Monde, Isabela, aux environs de ce qui est aujourd’hui Puerto Plata. On peut encore en voir les ruines. Isabela fut abandonnée rapidement parce que les maladies et la famine décimèrent en peu de temps les membres de l’expédition. Colomb partit d’Hispaniola en avril 1494 et vogua dans les Caraïbes jusqu’à la fin de septembre; lors de ce voyage, il découvrit la Jamaïque et la côte sud de Cuba. De son côté, son frère Bartolomé, arrivé en Hispaniola, constatait que les indigènes s’étaient retranchés dans les montagnes de l’intérieur pour résister aux attaques des conquistadores. Un grand nombre de ces derniers se révoltèrent et s’en retournèrent en Espagne; les autres s’employèrent à combattre les indigènes. Colomb ordonna la mort du cacique Guatiguaná ainsi que de la majeure partie des hommes de sa tribu et fit capturer cinq cents Indiens, qui furent envoyés en Espagne pour y être vendus comme esclaves. À partir de ce moment commença une ère de violence, qui s’acheva quelques années plus tard avec la mort des chefs indigènes; la femme du cacique Anacoana, elle-même, fut pendue sur l’ordre du gouverneur Nicolas de Ovando. Colomb s’embarqua pour l’Espagne en mars 1496. Tandis qu’il était en mer, son frère Bartolomé fondait, sur la rive gauche du río Ozama, sur la côte des Caraïbes, la ville de Saint-Domingue, qui devint la capitale d’Hispaniola et qui, actuellement, est celle de la république Dominicaine. La ville fut déplacée peu de temps après sur la rive droite du fleuve par le gouverneur Ovando, qui construisit de beaux monuments dont la plupart subsistent encore aujourd’hui. Sous le gouvernement d’Ovando, plusieurs villes furent fondées dans l’intérieur de l’île et Porto Rico fut conquis. Ovando fut remplacé au gouvernement d’Hispaniola par Diego Colomb, fils du découvreur, qui éleva sur les bords de l’Ozama le bel Alcázar de los Colones, fortement endommagé par l’artillerie nord-américaine durant les combats qui se déroulèrent en juin 1965.

2. Exploitation de l’île

L’esclavage

En Hispaniola, on institua pour la sauvegarde des Indiens les encomiendas, qui plus tard furent étendues à plusieurs parties d’Amérique, ainsi que l’esclavage des Noirs africains, amenés dans l’île par des corsaires anglais et hollandais. Bien que l’encomienda fût instituée afin d’assurer aux Indiens la protec tion des familles espagnoles, elle dégénéra rapidement en une forme d’esclavage pire que celle des Africains. Sous le gouvernement de Diego Colomb en particulier, les indigènes furent presque tous exterminés. En 1519, le cacique Enriquillo se révolta; il résista, se battant dans les montagnes de Bahoruco jusqu’en 1533, et en décembre 1522 eut lieu le premier soulèvement d’esclaves noirs. Ceux-ci étaient attachés à une sucrerie appartenant au gouverneur Diego Colomb.

Production sucrière et élevage

Depuis 1515, la fabrication du sucre se développait en Hispaniola, bien avant que partout ailleurs en Amérique, et elle devint si importante qu’au milieu du siècle quelque vingt-cinq sucreries fonctionnaient déjà. Le commerce commença à décliner quand le gouvernement espagnol, qui avait le monopole du commerce extérieur sur tous ses territoires, se refusa à vendre le sucre d’Hispaniola à la Flandre et aux Pays-Bas. Ce refus finit par ruiner l’industrie sucrière, car l’Espagne ne pouvait consommer tout le sucre que produisait l’île. La faillite du commerce sucrier provoqua le départ d’Hispaniola d’une grande partie de ses colonisateurs et, dans le même temps, les Hollandais entreprirent le commerce avec les habitants qui étaient restés, à qui ils fournissaient les produits manufacturés en échange de peaux. Les bovins, amenés par Colomb en novembre 1493, s’étaient multipliés de telle sorte qu’il y avait des propriétaires de vingt, de vingt-cinq et même de quarante mille vaches, et, comme disait Fernández de Oviedo en 1546, celui qui possédait mille ou deux mille têtes était considéré comme un homme pauvre. La contrebande pratiquée par les Hollandais devint si importante que les autorités espagnoles s’alarmèrent et ordonnèrent la destruction de toutes les agglomérations de la côte ouest et nord et la concentration des habitants et de leurs troupeaux dans l’Est. Ce mouvement de population eut lieu en 1603 et 1604. Cependant, le nombre des bêtes à l’état sauvage qui se trouvaient dans les bois de la région était si grand qu’il fut impossible de les exterminer, et ainsi, peu d’années après, des centaines de milliers de vaches, de taureaux et de veaux sauvages erraient sur quinze ou vingt mille kilomètres carrés de terres totalement inhabitées, riches en fleuves, ruisseaux et pâturages naturels. Un siècle plus tard, Hispaniola devait être divisée en deux pays différents à cause de ces troupeaux.

3. Installation des Français

Au mois de septembre 1629, l’amiral Fadrique de Toledo, qui se rendait en Amérique du Sud à la tête d’une flotte espagnole de trente-cinq galions et quatorze navires de guerre, attaqua la petite île de San Cristóbal – aujourd’hui Saint Kitts –, occupée depuis 1626 par des Anglais et des Français. Les Anglais se trouvaient au centre de l’île et les Français au nord-est et au sud-est. L’attaque espagnole commença par le sud-est; les Français du nord-est abandonnèrent la région et, s’embarquant sur deux vaisseaux, firent voile vers l’île d’Antigua, d’où ils se dirigèrent vers celle de San Martín, puis celles de Montserrat, Anguilla et San Bartolomé, toutes très petites et sans eau. Un peu plus d’une centaine de ces Français naviguèrent vers le nord-est à la recherche de terres plus hospitalières et accostèrent sur la côte ouest d’Hispaniola, où ils rencontrèrent ces troupeaux de bovins sans propriétaires. La majorité des nouveaux arrivants décidèrent de s’installer et s’employèrent à tuer les vaches, à sécher les cuirs et à emmagasiner la graisse pour vendre ces produits aux vaisseaux marchands qui passaient; certains préférèrent semer du maïs et divers produits agricoles; d’autres choisirent comme moyen de subsistance de monter à l’assaut des bateaux de commerce, de préférence espagnols. Ce fut ainsi que les premiers formèrent la curieuse société des boucaniers, les deuxièmes celle des «habitants» et les troisièmes celle des pirates ou flibustiers. Les boucaniers et les flibustiers eurent pendant quelques années une capitale commune: la minuscule île de la Tortue, située à peu de distance d’Hispaniola, à l’extrême ouest de la côte atlantique. Les boucaniers disparurent avant la fin du XVIIe siècle, quand le troupeau fut exterminé, et les flibustiers au début du XVIIIe siècle; par contre, les habitants se multiplièrent et, déjà en 1690, il y avait à l’ouest de l’île plusieurs villes importantes, construites et peuplées par des Français, parmi lesquelles Cap-Français – actuellement Cap-Haïtien –, qui devint la capitale de cette nouvelle colonie française. Lors du traité de Ryswick en 1697, qui mettait fin à la guerre entre l’Espagne et la France, on stipula que la situation des lieux non mentionnés par le traité serait maintenue telle qu’elle était au moment de la signature. Ces lieux non mentionnés comprenaient l’île d’Hispaniola. Ainsi, l’Espagne reconnut par omission le droit à la France de se maintenir dans la partie occidentale de l’île. Soixante années plus tard, la petite colonie de Haïti procurait à la France plus de bénéfices que toute l’Amérique espagnole à l’Espagne, bien qu’alors Haïti occupât à peine un peu plus de 12 000 kilomètres carrés, c’est-à-dire moins d’un cinquième de l’île. La partie espagnole, qui continuait à s’appeler Saint-Domingue, demeura en revanche fort en retard du point de vue économique, et c’est seulement lorsque ses habitants commencèrent à vendre du bétail, des mulets et du tabac à Haïti que sa situation s’améliora un peu.

4. Saint-Domingue et Haïti

La république d’Haïti

En août 1791 débuta la grande insurrection des esclaves d’Haïti et, en 1795, par le traité de Bâle, l’Espagne cédait à la France la partie orientale de l’île. En janvier 1801, Toussaint Louverture, qui d’esclave était devenu gouverneur français de Saint-Domingue, occupa l’ancienne région espagnole avec les forces haïtiennes. Au début de 1802, l’expédition envoyée par Bonaparte sous le commandement du général Leclerc arriva sur les lieux avec la mission de renverser Louverture et de le ramener prisonnier en France. À la fin de 1803, quand les Français furent mis en déroute à Saint-Domingue et que fut proclamée la république d’Haïti – le 1er janvier 1804 –, la région autrefois espagnole resta sous le commandement français, représenté par le général Kerverseau; mais, de peur que celui-ci n’entretienne des relations suspectes avec les Anglais, le général Jean-Louis Ferrand le déposa et prit en charge le gouvernement de la colonie. Ferrand réorganisa immédiatement les forces pour reconquérir Haïti; beaucoup de Français qui avaient fui à Cuba et dans d’autres îles des Caraïbes revinrent peu à peu à Saint-Domingue et les jeunes reçurent l’ordre de rallier Saint-Domingue pour y accomplir leur service militaire. Jean-Jacques Dessalines, le président haïtien, décida de devancer l’attaque de Ferrand et, au début de 1805, il entra dans Saint-Domingue par le sud à la tête d’une colonne puissante pendant que son lieutenant, le général Christophe – qui, quelques années plus tard, allait devenir le roi Henri Ier –, entrait par le nord. La ville de Saint-Domingue fut assiégée le 7 mars par trente mille soldats, les meilleurs de Haïti, qui sortirent finalement vainqueurs de la guerre contre la France. L’assaut de la ville, fixé au 27, échoua, car le 26 un escadron français commandé par l’amiral Missiessy apparut dans le port; il naviguait dans les Caraïbes pour faire diversion, comme l’avait ordonné Bonaparte, dans le but de faire croire aux Anglais que la flotte française de l’amiral Villeneuve, amarrée à Toulon, voguait sur l’Atlantique.

Lutte contre les Espagnols

Le général Ferrand gouverna la partie de l’île anciennement espagnole jusqu’à sa mort, le 9 novembre 1808. La veille, il avait perdu la bataille de Palo Hincado au cours de laquelle les forces du pays, commandées par un fermier, Juan Sánchez Ramírez, avaient organisé une attaque pour restituer le territoire au pouvoir espagnol. Ferrand ne put survivre à cette défaite et se tira une balle dans la tête. Après son suicide, Sánchez Ramírez mit le siège devant la ville de Saint-Domingue, tandis que les Anglais la bloquaient par mer. Le général Barquier, successeur de Ferrand, résista jusqu’au 6 juillet 1809, date à laquelle la place forte se rendit au général anglais Hugh Carmichael, qui la remit six jours plus tard à Sánchez Ramírez. Saint-Domingue redevint alors colonie espagnole, état de fait qui dura neuf ans, car, le 1er décembre 1821, la colonie acquit le statut d’État, sous protectorat colombien, avec le nom d’Haïti espagnole. Le chef du mouvement qui opéra ce changement était José Nuñez de Cáceres. Haïti espagnole dura à peine plus de deux mois, car, en 1822, au début de février, le président d’Haïti, Jean-Pierre Boyer, envahit son territoire, qui resta occupé jusqu’à la rébellion de ses habitants, qui établirent la république Dominicaine le 27 février 1844; ce fut le fruit d’un long travail politique réalisé par des jeunes gens de la petite bourgeoisie qui avaient organisé sous la direction de Juan Pablo Duarte une société secrète appelée «La Trinitaria». De 1844 à 1855, les Dominicains durent faire face à plusieurs invasions haïtiennes, et, au début de l’année 1861, le gouvernement du général Pedro Santana proclama l’annexion du pays à l’Espagne, de sorte que par deux fois en un peu plus de cinquante ans le peuple dominicain, dirigé par la caste des propriétaires de bétail, passa sous la domination espagnole. Mais l’annexion de 1861 provoqua la réaction de la majorité des Dominicains qui, en août 1863, organisèrent une formidable sédition au nord du pays. La guerre se prolongea jusqu’en juin 1865, date à laquelle les troupes espagnoles, décimées par les guérillas dominicaines et les maladies tropicales, durent se replier à Cuba et à Porto Rico. Beaucoup de militaires et d’hommes politiques notables se révélèrent dans cette guerre; parmi les premiers, Grégoire Luperón, dont le nom était primitivement français – Du Perron –, qui allait être une figure dominante pendant de longues années; parmi les seconds, Ulysse Espaillat, fils d’un propriétaire et médecin français qui s’était établi dans le pays au XVIIIe siècle.

5. Vie politique et développement économique

Dictature et guerre civile

Les dernières années du XIXe siècle furent dominées par un homme, Ulises Heureaux, qui devait le début de sa carrière à Luperón, mais qui se retourna rapidement contre son protecteur. Heureaux gouverna de manière quasi dictatoriale pendant ses quatre mandats de président. C’est de cette époque que date la construction des premiers chemins de fer dominicains et le développement de l’industrie sucrière, aux mains des Américains principalement. Heureaux – que ses compatriotes appelaient plus volontiers Lilis, diminutif de son prénom Ulises – fut assassiné en juillet 1899. Il laissait derrière lui un pays ruiné, endetté à l’extrême, totalement aux mains d’une société financière américaine, la San Domingo Improvement Company qui, pour garantir les prêts qu’elle consentait au gouvernement, avait la haute main sur les douanes dominicaines. L’instigateur de l’attentat contre Lilis, Ramón Cáceres, fut élu président en 1908 et tenta de réorganiser l’économie et les finances du pays. Il périt également sous les balles de conspirateurs en novembre 1911. Sa mort déclencha une succession de guerres civiles qui prirent fin en mai 1916 avec l’intervention de l’infanterie de marine des États-Unis. L’occupation américaine avait surtout pour but l’acquisition de terres destinées à la culture de la canne à sucre ; la Première Guerre mondiale, en effet, avait eu pour conséquence un accroissement considérable du prix du sucre. La baisse vertigineuse de ce prix, qui tomba en 1921 à 1 cent la livre, accéléra l’évacuation de l’armée américaine, le gouvernement militaire n’ayant plus les ressources nécessaires pour financer sa politique de grands travaux et pour payer les salaires des fonctionnaires. L’occupant avait cependant pris soin de former une police nationale qui, en 1928, avait pris le nom d’armée nationale, suffisamment forte pour faire face à toute tentative de sédition, sauf si elle provenait de ses propres rangs... Les élections présidentielles de 1924, les premières réellement démocratiques de l’histoire du pays, virent la victoire d’Horacio Vasquez. Ce dernier fut renversé en février 1930 par le chef de l’armée, le général Rafael Leónidas Trujillo, qui avait commencé à faire fortune sous l’occupation nord-américaine en détournant une partie du budget de l’armée. Trujillo gouverna le pays pendant plus de trente ans par la terreur, la torture et l’assassinat, en s’abritant à l’occasion derrière des présidents de pacotille. Il n’était pas d’activité économique, de la prostitution à l’exportation du sucre ou des fruits, qui ne lui procurât de substantielles commissions. Dans la mesure où l’accroissement de sa fortune se confondait avec celui de la richesse nationale, Trujillo continua et encouragea vigoureusement la politique de grands travaux et de développement agricole de ses prédécesseurs. Se proclamant lui-même «généralissime», «bienfaiteur de la patrie», «père de la patrie nouvelle», rebaptisant Saint-Domingue Ciudad-Trujillo, le dictateur ne mit pas seulement le pays en coupe réglée; il en fit une entité à sa seule dévotion, stérilisant par la violence toute activité intellectuelle et culturelle. Après avoir organisé, en 1960, une tentative d’assassinat du président vénézuélien Rómulo Betancourt, Trujillo devint trop encombrant pour ses protecteurs de Washington. Il existe de sérieuses raisons de penser que les services secrets américains ne firent rien pour empêcher son exécution par un petit groupe de conspirateurs le 30 mai 1961. Ainsi prit fin l’une des pires tyrannies qu’ait connues l’Amérique latine au XXe siècle.

De l’après-trujillisme au retour à la démocratie

À la mort de Trujillo, son vice-président, Joaquín Balaguer, lui succéda. Il fallut cependant plusieurs mois pour que le reste de la famille du dictateur, encore toute-puissante dans l’armée, quitte enfin le pays et que Ciudad-Trujillo redevienne Saint-Domingue. Balaguer dut abandonner lui-même le pouvoir le 1er janvier 1962 au profit d’un Conseil d’État qui allait, à son tour, céder la place à une junte civico-militaire. Le 20 décembre 1962, Juan Bosch, président du Parti révolutionnaire dominicain (P.R.D.), rentré en république Dominicaine l’année précédente après vingt-quatre années d’exil, fut élu président de la République. Ayant pris ses fonctions en février 1963, il fut renversé par un coup d’État militaire le 25 septembre de la même année. Cette nouvelle intrusion des forces armées sur la scène politique allait peser lourd dans la vie de la république Dominicaine puisqu’elle allait provoquer indirectement la deuxième occupation américaine du pays au XXe siècle. En effet, après deux ans de gouvernement chaotique d’un triumvirat civil qui servait de paravent à la hiérarchie militaire, une fraction de l’armée, dirigée par le colonel Francisco Caamaño et immédiatement soutenue par les secteurs populaires de la capitale, se souleva le 24 avril 1965 pour rétablir l’ordre constitutionnel. C’était le début de la «révolution d’Avril», désormais point de référence imprescriptible de l’histoire dominicaine contemporaine. Les militaires d’extrême droite, qui s’étaient constitués en junte, et l’ambassade des États-Unis accusèrent immédiatement les forces constitutionnalistes d’être infiltrées par les communistes. Invoquant ce «danger», le président Johnson dépêcha les marines à Saint-Domingue, faisant approuver a posteriori cette intervention par l’Organisation des États américains. La force d’occupation américaine obtint la nomination d’un gouvernement provisoire dirigé par Hector García Godoy. La voie était désormais libre pour la chasse aux militants de gauche. En 1966, Joaquín Balaguer était élu président de la République. Il allait l’être à nouveau en 1970 et en 1974, l’opposition du P.R.D. renonçant à présenter un candidat. Au début de son mandat, Joaquín Balaguer recourait à la terreur, un escadron de la mort, connu sous le nom de la Banda, éliminant nombre d’adversaires du régime. En mai 1978, Joaquín Balaguer avait pour rival Antonio Guzmán, présenté par le P.R.D., un parti que Juan Bosch avait quitté pour former le Parti de la libération dominicaine (P.L.D.). Le P.R.D. avait pris soin, au cours de sa campagne, de donner des gages à l’administration américaine. Même si le gouvernement Balaguer s’était un peu libéralisé dans les dernières années, il demeurait profondément autoritaire. Antonio Guzmán réunit sur son nom tous ceux qui, libres de s’exprimer pour la première fois depuis douze ans, voulaient dire non au régime en place. Les premiers résultats donnant l’avantage à Antonio Guzmán, les militaires suspendirent le dépouillement. Washington et l’Internationale socialiste, à laquelle le P.R.D. était affilié, exercèrent alors une forte pression pour que le verdict des urnes soit respecté. Grande figure de la bourgeoisie dominicaine, Antonio Guzmán n’était pas l’homme des bouleversements. On peut cependant le créditer d’avoir, en quatre ans, revivifié les institutions de la démocratie politique, neutralisé peu à peu le commandement des forces armées et rétabli un climat de paix civile. Le bilan économique et social fut, lui, négatif. Frappé de plein fouet à la fois par la baisse des prix du sucre et la hausse des cours du pétrole, le pays s’enfonça dans la crise.

En 1982, le fort mécontentement populaire bénéficia moins à la principale formation d’opposition, le Parti réformiste dirigé par l’ancien président Balaguer (39 p. 100 des suffrages), qu’au candidat du P.R.D., Salvador Jorge Blanco (47 p. 100), qui refusait d’endosser la gestion d’Antonio Guzmán. Le bon score réalisé par Juan Bosch (10 p. 100) fut remarqué, dans un système où le vote «utile» favorise le bipartisme. Après le suicide d’Antonio Guzmán, le 4 juillet 1982, le vice-président Majluta assura l’intérim et transmit six semaines plus tard ses pouvoirs à Salvador Jorge Blanco. Sollicité par le nouveau président, le Fonds monétaire international (F.M.I.) exigea une réduction draconienne des dépenses de l’État, gonflées, il est vrai, par le clientélisme et la corruption. Ces accusations n’épargnèrent pas le premier dignitaire du pays. Cinq ans après le terme de son mandat, Salvador Jorge Blanco fut d’ailleurs reconnu coupable de détournement de fonds et condamné à vingt ans de prison. Pendant la semaine de Pâques 1984, l’augmentation de 200 à 300 p. 100 du prix des denrées de première nécessité, dont le pain, provoqua de sanglantes manifestations (plus de cent morts, des milliers d’arrestations): des émeutes du désespoir qui éloignèrent le P.R.D. de sa base populaire. Le résultat des élections de 1986 fut, pour le P.R.D., la sanction des espoirs déçus: son candidat, Jacobo Majluta – qui ne jouissait guère d’une réputation d’intégrité – fut battu, de peu (39,4 p. 100 contre 41,5 p. 100), par le revenant Joaquín Balaguer, octogénaire, malade et quasi aveugle. L’opinion désabusée se tourna vers l’ancien autocrate, dont on ne retenait que le passé de «grand bâtisseur» des années 1970. En rassemblant 18,5 p. 100 des suffrages, le P.L.D. de Juan Bosch s’affirmait comme la principale force de gauche. Sous la gestion de Joaquín Balaguer, la dévaluation du peso face au dollar se poursuivit, et des émeutes contre la vie chère furent durement réprimées. Cela, au moment où des trafics en tout genre, dont celui de la drogue en plein essor, provoquaient l’apparition d’une classe de nouveaux riches et accroissaient le malaise social. Les infrastructures de la capitale, Saint-Domingue, se détérioraient (pénurie d’eau potable, fréquentes coupures d’électricité, transports en commun déficients...). En arrière-plan, une dette de près de 4 milliards de dollars (soit plus de la moitié du P.N.B.), impossible à rembourser, hypothéquait l’activité productive et frayait le chemin à une économie de spéculation. Dans ce pays où le taux d’accroissement démographique (22 p. 1 000) est l’un des plus élevés de la région, une population jeune (près de 80 p. 100 de moins de 35 ans) a dû choisir, lors du scrutin présidentiel du 16 mai 1990, entre les deux vieux caudillos toujours en compétition, Juan Bosch et Joaquín Balaguer. Ce dernier l’a une nouvelle fois emporté avec 24 470 voix d’avance (35,1 p. 100 contre 33,8 p. 100 à Juan Bosch), obtenant ainsi, à quatre-vingt-quatre ans, un sixième mandat à la tête du pays. De son côté, l’opposition a dénoncé une «fraude électorale monstrueuse».

Personne ne connaît avec certitude le nombre d’Haïtiens résidant sur le territoire dominicain. Les évaluations varient entre 500 000 et 1 million de personnes. Mais leur situation a continué de défrayer la chronique. Au début de 1991, un groupe d’avocats new-yorkais (le Lawyers Committee for Human Rights) a publié un rapport relatant l’embrigadement d’enfants haïtiens sur les plantations sucrières dominicaines. Dans le même temps, une mission de l’Organisation internationale du travail déplorait la précarité des conditions de vie et de travail des braceros (coupeurs de canne) haïtiens. En réponse à cette «campagne injuste», le président Balaguer a ordonné, le 14 juin 1991, le renvoi des immigrants haïtiens illégaux. Quatre mois plus tard, 50 000 d’entre eux avaient regagné leur pays, de gré ou de force. Les gestionnaires dominicains semblent prendre leur parti d’une économie à deux vitesses. Tandis que prospèrent les zones franches industrielles et le tourisme – le pays, doté de trente mille chambres d’hôtel, est désormais la principale destination touristique des Caraïbes –, les mesures d’austérité poussent les plus pauvres à tenter clandestinement le voyage vers l’île voisine de Porto Rico. Même les tragiques naufrages à répétition n’enrayent pas l’«hémorragie humaine»: on comptait cinq cents candidats au départ chaque semaine lors du premier trimestre de 1992. Le jeu politique s’annonce désormais plus ouvert: Juan Bosch a démissionné en mars 1991 de la présidence de son parti, le P.L.D., et Joaquín Balaguer a déclaré qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat en 1994.

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